CHUV et EPFL trouvent l’explication à des formes graves du Covid

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MédecineCHUV et EPFL trouvent l’explication à des formes graves du Covid

Une fois contaminés, certains patients ne développent pas rapidement une protection contre une inflammation et cela ne fait que l’empirer. Cela pourrait se soigner.

Michel Pralong
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Michel Pralong
Ce n’est pas le coronavirus lui-même mais les dommages qu’il provoque qui amplifient chez certains une réponse normalement défensive qui est alors plus destructrice encore, notamment dans les poumons.

Ce n’est pas le coronavirus lui-même mais les dommages qu’il provoque qui amplifient chez certains une réponse normalement défensive qui est alors plus destructrice encore, notamment dans les poumons.

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Lors d’une infection virale, et donc également par le coronavirus, le corps produit pour se défendre des protéines appelées interférons. Des chercheurs du CHUV et de l’EPFL ont découvert que certaines personnes ne parviennent pas à mettre en place rapidement cette première défense et leur Covid se développe en une forme sévère avec des complications pulmonaires.

Mais ce que les chercheurs ont constaté, c’est que chez ces personnes, il y a bien production d’interférons, mais elle est tardive. Et c’est justement elle qui conduit à une hyperinflammation destructrice. Les équipes ont découvert que la réponse tardive n’est pas déclenchée par le virus lui-même, mais par les dommages tissulaires qu’il induit. Le mécanisme se produit ainsi: des molécules de signalisation (cGAS-STING) repèrent l’ADN largué par les cellules mourantes lorsqu’il pénètre à l’intérieur d’autres cellules. Cela déclenche alors, à travers la molécule STING, la production d’interférons qui conduisent à l’hyperinflammation: on assiste à un «orage de cytokines» qui finit par générer davantage de destructions de tissus sains.

Cette réaction est identique à celle se produisant lors de blessures et dans le contexte de certaines maladies auto-immunes. Cette même équipe de recherche, menée par le professeur Michel Gilliet, chef du Service de dermatologie du CHUV, et de la professeure Andrea Ablasser, cheffe du laboratoire Immunité innée de l’EPFL, avait d’ailleurs déjà identifié cette réaction lors de travaux sur la cicatrisation cutanée et le psoriasis.

La piste de la chauve-souris

Si les chercheurs ont exploré cette piste, c’est parce qu’ils sont partis des chauves-souris qui peuvent transporter le coronavirus sans être malades. «Nous avons été intrigués par le fait que les chauves-souris, qui ont désactivé le gène STING au cours de l’évolution pour éviter des réactions inflammatoires lors de leur vol, résistent à la maladie induite par le SARS-COV2 et constituent ainsi un réservoir viral», explique Michel Gilliet. «Ceci nous a incités à rechercher si STING est activé dans les manifestations de Covid-19 et pourrait être responsable de la maladie grave chez les patients».

L’équipe de recherche en dermatologie du CHUV a alors commencé par étudier les lésions cutanées des patients atteints de formes sévères de Covid-19 et a constaté qu’elles présentaient une destruction des vaisseaux importante, avec une grosse production d’interférons via la voie STING. Les chercheurs ont ensuite examiné des échantillons de poumons de patients décédés d’une pneumonie due au Covid et y ont également découvert une activité de STING.

Des médicaments réduisent l’inflammation chez les souris

À l’aide d’une modélisation de poumon, les chercheurs de l’EPFL ont ensuite confirmé que l’infection par le coronavirus active aussi la signalisation STING dans les poumons. La réponse est alors déclenchée par la libération de l’ADN mitochondrial et conduit à la mort cellulaire et à la production d’interférons. Enfin, ils ont mené une étude in vivo pour déterminer les implications pharmacologiques de leurs découvertes. En administrant à des souris infectées par le coronavirus des médicaments qui bloquent la voie STING, ils ont constaté une réduction de l’inflammation pulmonaire et une forme de la maladie moins grave.

«Nous avons identifié la voie cGAS-STING comme un moteur essentiel expliquant les réponses aberrantes à l’interféron dans le Covid-19», déclare Andrea Ablasser. Mais on ignore encore pourquoi certains patients seulement ont cette production tardive d’interférons, même si la piste de mutations génétiques a déjà été évoquée. Mais pour Michel Gilliet, cette découverte du CHUV et de l’EPFL «ouvre la voie à de nouveaux développements de thérapies qui bloquent spécifiquement ce processus d’inflammation pathologique dans les formes graves de la maladie.»

La recherche, publiée dans la prestigieuse revue Nature, a été financée par le Programme national de recherche «Covid-19» (PNR 78) en 2020.

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