Les Beatles comme on ne les avait jamais vus

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Programmé sur Disney+ dès le 25 novembre, le docu «The Beatles – Get Back» exhume des rushs vieux de 50 ans, pour la plupart inédits, et retrace l’ultime collaboration du groupe.

Christophe Pinol
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Christophe Pinol

Les fans des Beatles le savent bien: le documentaire «Let it Be» n’a pas très bonne réputation. Exploité en salles en 1970, il montrait en 80 petites minutes le groupe en train de concevoir les 12 chansons de ce qui restera finalement leur dernier album, et se termine par le fameux concert non autorisé donné sur le toit de l’immeuble Apple Corps.

Entre prises de bec pesantes et ambiance morose, on y découvrait un John Lennon désabusé, un Paul McCartney autoritaire, un Ringo Starr frustré et un George Harrison prêt à tout laisser tomber (ce qu’il faisait d’ailleurs à un moment donné du film)… «Let it Be» montrait surtout un groupe au bord de la séparation, et Paul McCartney allait d’ailleurs officialiser la chose un mois avant la sortie du documentaire. Les Beatles avaient du reste tellement détesté ce dernier que les bandes s’étaient retrouvées au fin fond d’un coffre-fort, toute réédition ou rediffusion bloquée. Pendant près de 52 ans…

Changement de perspective

Et voilà qu’aujourd’hui, le réalisateur néo-zélandais Peter Jackson – oui, celui du «Seigneur des anneaux» – propose un nouveau montage de ces heures prétendues noires du groupe, cette fois étalé sur plus de 7 heures et programmé en 3 épisodes à partir du 25 novembre sur Disney+.

Sauf que le réalisateur annonce d’emblée la couleur: «Cette nouvelle approche bouleverse tout ce qu’on pensait savoir sur la séparation du groupe!» En bon fan des Fab Four, le cinéaste oscarisé a en effet longtemps pensé que les dernières heures des Beatles, et en particulier ces sessions d’enregistrement, avaient été majoritairement douloureuses. Sauf qu’en se replongeant dans les 57 heures de métrages et 140 heures de sons enregistrés par le britannique Michael Lindsay-Hogg, il a découvert une tout autre réalité: un groupe plein de vie et inspiré, où les parties de rigolades l’emportent sur les moments de tensions.

Il n’a pour autant pas cherché à évincer les engueulades du film original – elles s’en retrouvent même allongées, comme cette fameuse séquence montrant Paul McCartney et George Harrison se fritter lorsqu’ils explorent différentes pistes pour leur concert final – mais elles sont maintenant contrebalancées par de nombreuses scènes de complicité, de cohésion musicale et de franche amitié. Un livre publié le mois passé, «The Beatles – Get Back» (Ed.: Seghers), vient d’ailleurs étayer ce constat. Et Paul McCartney lui-même ne s’est pas fait prier pour déclarer que la vision du film avait carrément changé le souvenir qu’il gardait de leur séparation.

Le tournage, il y a 52 ans…

À travers le film, on replonge donc dans ces «Get Back Sessions», comme elles avaient été surnommées à l’époque, enregistrées aux studios de Twickenham, puis dans les sous-sols de l’immeuble de l’entreprise Apple Corps, en janvier 1969. L’idée du groupe était en soi assez folle: mettre en boîte en un peu moins de 3 semaines 14 nouvelles chansons – certaines se retrouveront sur leur album «Abbey Road», la plupart sur leur dernier, «Let it Be» –, soit une espèce de course contre la montre qui devait culminer par un concert live, le premier donné en public depuis 3 ans par ces «quatre garçons dans le vent».

Présenté d’une façon encore inédite sur la plateforme de streaming, avec un épisode programmé chaque soir, 3 jours de suite, le film de Peter Jackson revient ainsi sur la création de certaines des plus belles chansons du monde. Au cours d’une conférence de presse virtuelle, il expliquait en toute modestie que Michael Lindsay-Hogg avait de toute façon déjà fait le plus gros du travail, à savoir l’enregistrement des séquences.

Il a en même profité pour livrer quelques savoureuses anecdotes sur le tournage, théâtre – notamment – d’une lutte incessante entre les 4 musiciens et le cinéaste: «Michael était déterminé à mettre en boîte le plus de séquences sincères et vivantes possibles. Mais les Beatles, même s’ils avaient accepté le principe d’être filmés, rechignaient à se livrer. Du coup, chacun avait ses stratagèmes pour contrecarrer les plans des autres.

Pour éviter que les Beatles ne se sachent filmés, Michael posait par exemple sa caméra sur un trépied, un cache obstruant le voyant lumineux d’enregistrement, enclenchait sa caméra et partait boire un café. La pièce était également truffée de micros plus ou moins bien cachés afin de capter un maximum de conversations mais John Lennon et George Harrison en particulier n’aimaient pas être enregistrés et quand ils discutaient, George allumait son ampli à fond et se livrait à des riffs de guitare pour couvrir leurs paroles. Mais grâce aux nouvelles technologies, et notamment à l’intelligence artificielle, on a réussi à supprimer les accords de guitare, à isoler les voix et on sait enfin ce qu’ils se disaient».

Du cinéma à Disney+

En voyant la bande-annonce, on se retrouve surtout face à des images d’une qualité phénoménale. Rien à voir avec celles du film original, tourné en 16 mm et gonflé en 35, avec un grain bien présent. «Je voulais une copie parfaite, explique Peter Jackson. Pour qu’on ait l’impression d’être là, dans un coin, à les regarder créer». Il précise que leur restauration n’a pas posé de problème particulier mais qu’étant donné que ces images étaient déjà là, le gros de son travail a surtout été de trouver le meilleur moyen pour raconter cette histoire. Il s’oriente ainsi d’abord vers une version destinée aux salles obscures, qui n’est alors pas censée dépasser les deux heures trente. Mais très vite, le réalisateur se rend compte qu’il ne parviendra pas à y inclure tout ce qu’il souhaite – notamment l’intégralité des 42 minutes du concert donné à l’époque sur le toit de l’immeuble et interrompu par la police – et il préfère alors tout naturellement s’orienter vers une diffusion en streaming.

Quand on lui demande aujourd’hui ce qui l’a le plus marqué en se replongeant dans ces heures d’enregistrement, il explique qu’il y a découvert des Beatles plus humains. «On les a vus dans des tas d’images d’archives, en concert, en tournée, en conférence de presse… On a l’impression de les connaître par cœur alors qu’ils étaient en réalité à chaque fois en représentation, unis sous la même étiquette, celle des Beatles. Mais en les découvrant ici au naturel, on se rend compte à quel point ils étaient en fait différents les uns des autres».

L’approbation des Beatles

Et le réalisateur de préciser qu’au final, lorsqu’il a montré le film aux deux Beatles survivants, et aux héritiers des deux autres, il n’a pas reçu la moindre note visant à modifier ou supprimer de séquence. «Ça m’a beaucoup surpris mais je crois qu’ils n’ont aujourd’hui tout simplement plus aucun problème d’image». En témoignent les jurons auxquels les Fab Four se laissent parfois aller dans le documentaire, et que Disney a d’abord voulu censurer. Mais Ringo Starr et Paul McCartney s’y sont opposés: «C’est comme ça que nous parlions à l’époque et c’est de cette manière que nous voulons que le monde nous voit aujourd’hui», ont-ils déclaré.

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