Des migrants préfèrent «mourir plutôt qu’aller au Rwanda»

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Royaume-Uni«Plutôt mourir qu’aller au Rwanda»

Après la décision du Parlement, des migrants réfugiés sur sol britannique vivent dans la peur d'être expulsés vers ce pays qui n'est «pas sûr».

La barge Bibby Stockholm abrite jusqu’à 500 demandeurs d’asile à Weymouth, dans le sud de l’Angleterre. Beaucoup de ceux qui a logent aujourd'hui ont peur d'être envoyés au Rwanda.

La barge Bibby Stockholm abrite jusqu’à 500 demandeurs d’asile à Weymouth, dans le sud de l’Angleterre. Beaucoup de ceux qui a logent aujourd'hui ont peur d'être envoyés au Rwanda.

IMAGO/i Images

La peur s’est emparée de demandeurs d’asile logés sur une barge dans le sud de l’Angleterre, après l’adoption par le Parlement britannique d’une loi permettant d’expulser des migrants au Rwanda.

Seront-ils sur la liste des personnes à expulser? Ces migrants ne le savent pas pour le moment. Mais tout le monde ici en parle, raconte Atuib, un Soudanais de 23 ans arrivé il y a un an au Royaume-Uni après être parti de Calais (F) à bord d'un petit bateau pneumatique.

Il est logé depuis deux semaines sur une barge à quai, le Bibby Stockholm, installée l’été dernier pour accueillir jusqu’à 500 demandeurs d’asile à Weymouth, station balnéaire du sud de l’Angleterre.

«On m'enverra ensuite au Soudan»

S'il devait être expulsé, «le Rwanda m’enverra ensuite au Soudan», redoute Atuib, dont la mère et la soeur sont, dit-il, dans un camp de réfugiés au Tchad, après avoir fui la guerre au Darfour. Le Rwanda, «ce n’est pas bien, ce n’est pas sûr», poursuit-il dans un anglais hésitant.

Le projet adopté dans la nuit de lundi à mardi permettra l’expulsion vers le Rwanda de demandeurs d’asile entrés illégalement. Leur demande d’asile sera examinée dans ce pays d’Afrique de l’Est et ils ne pourront pas revenir au Royaume-Uni, quelle que soit l’issue de leur démarche.

Ce projet avait été annoncé il y a deux ans par Boris Johnson, alors Premier ministre, mais il avait été bloqué par la Cour européenne des droits de l’homme, puis des recours judiciaires et une bataille longue de plusieurs mois au Parlement. L’ONU a demandé à Londres de «reconsidérer son plan», mais le Premier ministre, Rishi Sunak, a promis de faire décoller des avions vers Kigali au début de l’été.

«Oui, j'ai peur»

«Plutôt mourir qu’aller au Rwanda», réagit Martin, un Sud-Africain de 28 ans, arrivé il y a un peu plus d’un an au Royaume-Uni et logé depuis trois mois sur la barge. Il ne veut pas raconter pourquoi il a quitté son pays, expliquant que c’est «trop douloureux».

Mais pas question d’aller au Rwanda: «Mieux vaut me tuer et m’enterrer», tranche-t-il. «Je ne sais pas si je vais être expulsé vers le Rwanda. (...) Mais je sais que cela pourrait arriver. Alors oui, j’ai peur.»

Difficile de dire précisément qui est susceptible d’être expulsé, ce qui accroît encore l’inquiétude des migrants. Ahmed et Muhamad, deux Afghans de 26 et 27 ans, pensent qu’ils ne seront pas visés. «Mais personne ne sait vraiment», ajoute le premier.

«Cela n'arrêtera pas les migrants»

Ils sont arrivés légalement au Royaume-Uni en 2022 et 2023, muni de visas étudiants grâce à des bourses universitaires. Ils ont tous les deux demandé l’asile et sont en attente de la réponse.

Pour Ahmed, pas de doute, la politique d’expulsion vers le Rwanda «sera efficace».

L’objectif affiché par le gouvernement conservateur est de dissuader les migrants de venir au Royaume-Uni. «Les gens ne viendront pas s’ils savent qu’ils risquent d’être expulsés vers le Rwanda», estime-t-il. Ils iront plutôt dans un autre pays, selon lui.

Un avis que ne partage pas Muhammed, qui était étudiant en droit international il y a encore quelques mois: «Cela n’arrêtera pas les migrants. Il y aura des recours en justice, beaucoup de recours en justice.»

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